Rencontre avec une écrivaine corps, coeur et voix...
Sublime Marie Hélène Lafon... Elle nous a régalés samedi soir à la Librairie L'Opuscule de sa faconde et ses confidences sur ce qui l'enchante : le bon "Gustave" (Flaubert qu'elle élève au statut de commandeur des écrivains avec Pierre Michon), sa fascination pour le point virgule, et son amour de l'art survenu tardivement...
En épigraphe de "Nos vies", une citation de Jacques Truphemus, un artiste qu'elle a côtoyé et admiré : "Je dois être corps dedans". Oui, Marie Hélène Lafon vibre l'écriture par tous ses pores, il suffit de savourer la description magistrale de Gordana qu'elle nous a lue hier soir pour s'en persuader.
Voici ce passage, il manque hélas le charisme et la voix si bien posée de l'auteur !
" Elle s'appelle Gordana. Elle est blonde. Blonde âcre, à force de vouloir, les cheveux rêches. Entre les racines noires des cheveux teints, la peau est blanche, pâle, elle luit, et le regard se détourne du crâne de Gordana, comme s'il avait surpris et arraché d'elle, à son insu, une part très intime. Sa bouche est fermée sur ses dents. Elle s'obstine, le buste court et têtu, très légèrement incliné, sa tête menue dans l'axe. On devine des dents puissantes, massives, embusquées derrière les lèvres minces et roses. Le sourire de Gordana éclaterait comme un pétard de 14 juillet. On ne la voit pas sourire. On imagine. On reste au bord de ce que doit être ailleurs, dans une autre vie, le sourire dégoupillé de Gordana. Et son rire. Un rire de gorge, grave, raque, presque catastrophique. Un rire acrobatique et très sexuel. Le cou de Gordana est long, crémeux, solide, charnu. Ce cou habité de forces impérieuses la plante dans la vie comme un arbre en terre. Les pulls sommaires de Gordana, encolure ronde ou en V, dégagent son cou, pièce maîtresse d'un corps qui nemanque pas d'atouts canoniques. Les cuisses sont longues, minces, glabées, d'un jet dru. Elles reposent à plat, moulées dans le jean, posées l'une à côté de l'autre, en immuable oblation. Gordana ne croise pas les jambes, la position deviendrait intenable. Elle se tient droite, la blouse, courte rouge gansée de blanc, ouverte sur ces cuisses efficaces. Et que dire des seins."
Ses conseils absolus de lecture "la Chevelure de Bérénice" de Claude Simon et le jeune prodige de la prose poétique Antoine Wauters "Mahmoud ou la montée des eaux". Belle rentrée littéraire à tous !